#Chatpitre 1 : 14 juillet

C’est un 14 juillet ensoleillé comme aujourd’hui, que tout a commencé… il y a 8 ans. Huit symbolise l’expansion, la justice, la prospérité, la renaissance. Huit ans. 14 juillet 2013. Quand Elle a tout plaqué de sa vie d’alors, pour ne plus s’occuper que de moi, sa Mimi, son chat. P’tite chatte blanche, sourde, qu’Elle disait hyperactive (je nuance : facétieuse et malicieuse), qu’Elle avait trouvée abandonnée, aux abords d’une plage d’une station balnéaire en Bretagne, Finistère Nord, le 11 août de l’année précédente. Il avait suffit d’un an pour que se profile cette décision singulière. Devenir agent de chat et quitter ses fonctions de dircom’ au sein du groupe La Poste où Elle avait évolué et fait carrière pendant 17 ans. Comment un tel choix, radical, peut-il s’imposer du jour au lendemain. Vous vous posez peut-être la question. C’est simple et à la fois inexplicable. 

Cette année-là, La Poste lui avait proposé de coordonner le projet de renouvellement du timbre d’usage courant. Chaque élection présidentielle s’accompagne d’un nouveau visuel du timbre Marianne, emblème républicain. François Hollande, élu, avait décidé, pour la première fois, qu’il revenait à la jeunesse hexagonale et des Outre-mer de choisir le visage du timbre, sur la base d’un concours d’artistes et d’un kit pédagogique, qu’Elle avait conçu avec une agence : Mon premier vote pour la République, distribué aux lycées français. Le projet durait 9 mois.

En août, Elle était rentrée de Brest à Paris, avec moi, sa Mimi, dont Elle n’arrivait pas à s’occuper, avec ce gros projet chronophage qui s’annonçait (quoique visiblement extatique). En octobre, Elle avait décidé de me donner, pour être libre. Après tout, s’était-Elle dit pour se rassurer : “Je l’ai sauvée, c’est peut-être suffisant, d’avoir accompli cette mission-là”. N’importe quoi. Toujours est-il qu’elle a passé une annonce sur Le Boin Coin (Grand N’importe Quoi) et qu’un soir sombre de novembre, un grand type sec et nerveux était venu me récupérer, moi et toutes mes affaires, griffoir, jouets, croquettes, valisette. Elle ne s’était pas sentie tellement libre, tout à coup. Une grosse grosse boule s’était formée dans sa gorge, la même que la mienne, dans ma luette. Bien plus perfide qu’une boule de poils.

Quatre jours plus tard, affreusement triste, Elle avait décidé de me récupérer. On s’aimait déjà fort. Avec sa copine Cécile, Elle avait fomenté l’opération commando. Ensemble, elles s’étaient rendu dans la cité HLM où vivait le type. Prêtes à attendre toute la nuit. Il refusait de me rendre. C’était glauque. Mais Cécile et Elle, restaient là, mutiques et déterminées, assises sur sa banquette en ruines, dans son appart’ qui ressemblait à un débarras. Il avait fini par céder et m’avait jetée sur le palier, avec mes affaires pleines de caca. De sa bouche, sortaient plein de gros mots que je déchiffrai avec horreur.

Quelques jours plus tard, le type ne cessait de la harceler au téléphone et Elle était allée déposer une main courante. Le flic qui avait pris sa déposition a conclu : “Vous avez bien fait. Ne vous inquiétez pas, il n’y aura aucune suite. Occupez-vous bien de Mimi.” en regardant des fichiers sur son ordinateur. Qu’avait-il voulu dire exactement. Elle n’a pas su. Mais, pour une raison que j’ignore, Elle avait pensé à un traffic de fourrure.

Ensuite, pour décrypter ce… passage à vide, disons, Elle avait décidé de me donner la parole #URL (je la prenais déjà très bien #IRL : sourde mais pas muette). C’est comme ça que j’ai commencé mes #chatventures, sur un blog rien qu’à moi. 

Parallèlement, Elle poursuivait la gestion de ce projet philatélique. Elle réfléchissait : “Après l’avoir coordonné, que pourrais-je bien espérer du groupe La Poste, et de ma carrière ?” Elle avait été une dircom’ réputée, en particulier dans le 92, un département critique pour le groupe, socialement, avec le plus célèbre facteur de France à la tête du syndicat le plus redoutable, qui menait aussi une carrière politique notoire. Un département laboratoire où les plus grands bouleversements postaux étaient mis en oeuvre, avant d’être généralisés sur tout le territoire : l’ouverture totale à la concurrence, le changement de statut du groupe, la modernisation du courrier. Elle avait aussi été placardisée (et en avait profité pour se former, notamment pour devenir auditrice ; pour prendre des cours, notamment à l’école du Louvre ; et pour écrire, notamment ses premiers romans et BD).

Ce qu’il y avait, surtout, c’est qu’Elle ne se sentait plus l’âme d’une postière. Bien sûr, elle avait prêté serment, et ne reniait rien, mais ça remontait à bien longtemps. Autrefois… Aujourd’hui, Elle s’y perdait dans ce groupe tentaculaire. Pire : Elle commençait à se désolidariser de la stratégie. Son esprit corporate s’effritait sévère. C’était le moment de prendre une décision. Quitter et négocier son départ (quelque chose d’encore possible alors, de manière satisfaisante pour les deux parties, qui se quittaient avec plein de souvenirs ineffables).

Le dévoilement du timbre Marianne était prévu le 14 juillet 2013, au Palais de l’Élysée. Ce jour-là, marchant sur les tapis rouges comme le sang, Elle avait frémi en songeant que ses grands-parents paternels, Arméniens exilés en France après l’effroyable génocide, tisseurs de tapis et coloristes, étaient peut-être à l’origine de ces tapis-là, qu’Elle foulait, aux côtés du président de la Rép’ et des jeunes de France. Si elle ne savait pas grand-chose de ses ancêtres et origines orientales (comme moi), elle n’ignorait pas qu’ils avaient mis leur savoir-faire au service de la Manufacture des Tapis de Cogolin, dont les créations remarquables avaient orné les plus grands institutions de-par le monde : Élysée, Maison Blanche, Mobilier National, paquebots France et Normandie. C’était émouvant et plutôt chic.

De méandres en circonvolutions, ses pensées avaient cheminé jusqu’au Chat-de-Van. Le chat nageur et intrépide, symbole de la résistance et de l’identité arméniennes, à Van, la ville qui avait la première combattu les forces exterminatrices. Or, on ne pouvait nier que je présentais toutes les caractéristiques de ce chat mythique et mystique : blanc, poils mi-longs, yeux vairons comme son idole de midinette -Bowie, et le V de Van au sommet de mon crâne. Sauf que, je ne serais jamais reconnue au LOOF comme tel : abandonnée, j’allais rester toute ma vie un chat de type européen.

Mon exil sans retour possible, c’était avec Elle et nulle autre, je l’avais élue. J’allais faire d’Elle mon agent, une artiste, une éditrice et productrice musicale (quoique sourde, le piano me fascinait). Ce jour-là, je devenais son Plus Grand Projet, sa muse-créatrice (Elle l’ignorait encore bien sûr).

Le soir du 14 juillet 2013… Elle quittait l’Élysée, le groupe la Poste, et son univers institutionnel. Elle avait 45 ans. Avant de devenir légitime dans le domaine artistique, il allait s’en passer des #chatventures ! Je vous invite à les suivre ici, sur mon nouveau blog.

#lanouvelleolympe

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