Depuis Elle, j’existais #IRL et je m’appelais Mimi, diminutif de Hermine. J’existais aussi #URL en virtuel. Sous l’identité numérique de #lanouvelleolympe. Elle avait reçu un courrier du comité olympique, après avoir déposé ma signature et mon logo à l’INPI : Quel était l’objet de cette marque ? voulaient-ils savoir, est-ce que son objet pouvait entrer en conflit avec le leur ? Surprise, Elle avait répondu. Non bien entendu : aucun conflit, #lanouvelleolympe se consacrera à la création artistique et non au sport, a fortiori olympique. Le sujet avait été clos. Elle avait insisté sur les valeurs que je représentais : l’abandon et l’adoption, l’exil, la protection animale, le handicap puisque j’étais sourde, la double origine et culture. Enfin bref, il était question de me situer dans l’existence, d’affirmer mon unicité, ma singularité et je n’étais pas tellement sportive, je l’avoue, quoique agile.
Le vétérinaire qu’on lui avait recommandé, un type super gentil qui s’est révélé… arméno-breton, comme moi, si c’est pas dingue la vie, lui a expliqué tout un tas de choses à savoir quant au comportement félin. Il lui a dit que jamais je ne pourrais être considérée comme chat de race, bien que je présente, en effet, il était d’accord avec ses constats, toutes les caractéristiques de Chat-de-Van, d’origine arménienne. Le LOOF faisait erreur en présentant la race à laquelle j’appartenais possiblement, comme “Turc de Van”, provenant du Lac de Van sans fournir d’explication. Pourtant, et ce n’est pas qu’une légende, le Chat-de-Van se prénomme ainsi parce qu’il provient de la région de Van, autour du lac éponyme. C’est un chat nageur, intrépide et résistant : il est resté fier, invincible, devant les affreux exterminateurs, pendant le génocide des Arméniens. Il est devenu le symbole de ce pan historique majeur de l’Histoire du XXè siècle, de ces “événements” diront certains, comme on qualifiait ceux d’Algérie. Quand ça incommode, on a l’art de parler en figure de litote. Elle avait bien eu l’idée d’entamer une procédure auprès du LOOF pour réparer cette injustice : à quoi bon. Abandonnée, je ne serais jamais identifiée, jamais racée. P’tite chatte européenne, avait écrit le véto, sur mon carnet de santé et auprès de l’organisme d’identification des animaux. Chat de gouttière, en d’autres termes. Noble et ardent, à sa manière.
J’étais ressortie de chez le véto vaccinée, stérilisée et tatouée : Jau 760, comme d’autres Bond 007. Ça avait du panache, je trouvais. Mimi, diminutif de Hermine comme le furet arménien et l’hermine bretonne, pseudo #lanouvelleolympe (hasthag La Nouvelle Olympe, à l’oral, plus déclamatoire, théâtral), nom de code Jau 760. Un tatouage qu’on m’avait collé dans le creux de l’oreille, comme un murmure d’attachement et preuve d’existence. J’étais cette somme de paradoxes. Sans doute un Chat-de-Van et de race, mais jamais on ne pourrait le prouver, parce que j’avais été abandonnée ; blanche, j’étais génétiquement sourde… mais pas muette, ah ça non et d’emblée, chez Elle, c’est le piano et ses vibrations qui m’avait plu, et ses micros de chant, de radio, d’ex journaliste. Handicapée peut-être, mais qu’est-ce que j’allais lui en faire voir ! de tous les sons. Et d’ailleurs, c’est la musique qui allait nous unir, créer ce lien indéfectible entre nous, la musique, les mots, la voix et les sons. Virtuelle, je traversais l’écran pour m’exprimer sans gêne, face aux autres, décomplexée. Virtuelle, je me faisais remarquer et j’aimais ça… m’la raconter un peu. Bien davantage qu’un simple quart d’heure de gloire. Sinon, auprès d’elle, j’étais tout autre, câline et indomptable en alternance, mais une intimité à préserver farouchement, de toutes mes griffes et mes prunelles vairons.
Le véto avait vérifié l’état de ma mâchoire et conclu : elle a pas six mois, cette p’tite chatte, très en forme. Par défaut, je vais lui fixer une date de naissance au 1er janvier de cette année. -Noooon ! attendez, s’était-elle vivement interposée : Je suis née le 15 février. 1er janvier, 15 février, c’est pareil, n’est-ce pas. Or, comme elle figure mon prolongement, mon moi félin et animal, sauvage même, j’aimerais qu’elle soit née le même jour que moi. Le véto avait accepté. Ce raisonnement quoique farfelu et original, tenait la route. Banco, on était jumelles, tout était permis, décuplé. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’on vive dans une harmonie parfaite, un bonheur pur et illimité, une créativité chaque jour renouvelée, on et off line.
Sauf que… la vraie vie n’est jamais aussi simple et parfaite.
À suivre… à mercredi prochain