P’tite chatte sur un toit…

brûlant !

Michel nous dépose chez ELLE. Une résidence coquette et pas très élevée, arborée, où le silence règne. Il commence à faire sombre, nous sommes lasses. ELLE récupère son courrier en passant devant la batterie de boîtes-aux-lettres, dans le hall. Une liasse se déverse, Oups ! ELLE ouvre une porte vitrée, une autre et appuie sur le bouton de l’ascenseur. Quatrième étage. Tous ces ballotements raniment un fond de nausée et je rends un peu de bile de mon estomac vide et affamé. Elle ne s’y attendait pas, sort un mouchoir de son sac et s’accroupit pour éponger sommairement. On arrive, ma Mimi, je vais nettoyer ça dans une seconde, pauvre chaton, t’en as marre, t’as faim, t’as soif, dans une seconde ma Mimi. Mon regard ne peut se fixer nulle part, j’ai trop à examiner en même temps. Comme si j’étais au cœur d’un manège, ceux aux abords des plages, l’été. Ça défile à bien plus de vingt-quatre images à la seconde. 

depond

Nous entrons dans son appartement clos. La température est effroyable. ELLE enlève la grille de ma cage, je suis libre mais apathique. Clouée par l’exhalaison moite et renfermée. Elle déballe à la hâte les croquettes, ouvre un placard et s’empare d’un bol, ouvre le robinet qu’elle laisse couler, avant de remplir une écuelle. Elle n’a pas le temps de déposer l’ensemble quelque part, j’ai cabriolé sur le plan de travail de la cuisine et commencé à grignoter et laper l’eau fraîche. Je sais qu’elle est partie préparer ma litière. J’ai dégusté plus vite que mon ombre. Repue, j’opère ma toilette, intime et minutieuse, tout en la talonnant de mes prunelles acérées. ELLE monte –son appartement forme un duplex, comprenant une mezzanine qui domine la pièce principale- et desserre les vasistas, puis redescend et ouvre les fenêtres tout en fermant les volets. De peur que je saute, ou pour faire barrage à la chaleur qui s’engouffre comme un raz-de-marée.

On lui a dit que les chats n’appréhendaient pas le vide. Ils ne le mesurent pas, ils n’en ont pas conscience. Ce qu’on ne lui a pas expliqué, c’est que les chats se sauvent humer l’air sur les toits, quand c’est la seule issue. ELLE n’a rien vu. J’ai louvoyé trop vite pour me faufiler par le Velux sur les tuiles de l’immeuble. ELLE habite au dernier étage, et d’un seul coup, je me rapprochais des étoiles ponctuant le ciel devenu noir. L’embellie. Ce n’était pas la même intensité qu’en Bretagne, moins ténébreux ici, moins franc, comme recouvert de cette pellicule opaque qui saisit depuis que nous sommes parvenues en Ile-de-France. Même la nuit se révélait différente à Paris, plus bruyante et plus lourde, moins tranquille et moins illuminée. Peut-être parce que ça manquait de réverbération, sans les flots noirs de l’Atlantique sous la lune, qui plonge dans l’Océan et remonte aux cieux. J’avais beau me la jouer p’tite chatte sur un toit brûlant, aventureuse et libertine, je constatais que cela ne servait à rien. L’ambiance demeurait figée et plombante, sans fantaisie, sans une once de cosmogonie.

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ELLE ne déballe pas ses affaires, sort et court prévenir les voisins de mon arrivée, et que je suis sur les toits, déjà échappée. Son voisin de palier dispose d’une terrasse et de là, il me reconnait, tout en haut, sur la cheminée de l’immeuble. Je dessine une sorte de nuage blanc phosphorescent dans la nuit. Comment redescendre ? Seulement alors, je comprends que c’est pentu et angoissant, et je suis si lasse soudain, sans force. ELLE abandonne le voisin, rentre. Maintient son vasistas ouvert et s’attaque à ranger nos affaires. ELLE est impuissante. Il n’y a que moi qui puisse me tirer de ce pétrin.

#lanouvelleolympe

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