Aujourd’hui, ELLE a rendez-vous pour me bénir, à Pigalle. Par le père POP. POP comme le champagne, qui pétille comme l’écume de l’Atlantique et sa bouteille bleue comme la mer d’Iroise. POP pour Pierre-Oliviers (avec un S, s’il-vous-plait, comme le jardin biblique) P. Chapelain de Sainte Rita.
La première fois qu’ELLE se rend à l’église Sainte Rita, elle se trompe. Souvent, les premières fois, elle hésite et se fourvoie mais la vie lui accorde toujours une deuxième chance, pour retomber sur ses pattes. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour nous, toutes les deux, ELLE et moi, on a eu cette deuxième chance. Je vous raconterai plus tard comment la providence est intervenue à notre secours. Est-ce grâce à cette bénédiction qui devait nous protéger envers et contre tout (et tous) ? Quoi qu’il nous arrive ?
Ce jour-là, dans le XVème à Paris, ELLE lit : Église Catholique Gallicane. Gallicanisme, défend les libertés de l’Église catholique en France, contre le centralisme de la papauté. Autorité du pape limitée, pas d’autorité de l’Église.
Quoi ? Qu’est-ce que cela signifie ? se demande-t-ELLE.
Sainte Rita, morte le 22 mai. Causes désespérées. Reconnue pour sa capacité à pardonner.
ELLE rentre et s’y recueille, devant la statue de cire, avec le front qui porte la marque de l’épine de la couronne du Christ. En sortant de l’église, une femme installe sur une table des produits dérivés : neuvaines, chapelets, livres.
“Si vous voulez, coup de chance, aujourd’hui son mari est là, il peut vous bénir !” lui suggère cette femme, en lui présentant Monseigneur Dominique Philippe primat de l’église gallicane à Paris. Son époux ? s’interroge-t-ELLE, intriguée et curieuse. Monseigneur arrive avec une cuvée de champagne Sainte Rita. ELLE ne résiste pas et l’achète. Il la lui bénit en latin. ELLE s’apprête à partir, quand la femme dispose les DVD de la bénédiction des animaux. La bénédiction des animaux ?
“Voyez-vous, chaque année, à l’occasion de la solennité de Saint François d’Assise, Monseigneur bénit les animaux en une messe pontificale : serpents, rats, chameaux, dromadaires, ânes, chats, chiens, reptiles, araignées, serpents, chevaux, poneys, zèbres, sangliers. Une tradition. Pas moins de 500 personnes et le cheptel. Il y a des animaux tout le long de la rue François Bonvin, vous savez, comme une longue procession…”
Plus tard, ELLE a rendez-vous vers le Moulin Rouge à Pigalle et là, ELLE se fige devant un porche d’immeuble. Imperceptible. Église Sainte Rita. Paroisse de la Trinité. Encore une ?
“Église gallicane Sainte Rita ? lui réplique le père Pierre-Oliviers P. chapelain de cet endroit lumineux et minuscule, à taille animale. Vous faites erreur. Sainte Rita est une sainte catholique, chrétienne, rien à voir avec le gallicanisme.”
ELLE finira par apprendre que Monseigneur Dominique Philippe s’était autoproclamé prêtre et approprié la chapelle du XVème arrondissement. Or, la seule et unique église Sainte Rita se trouve boulevard de Clichy, elle dépend de la paroisse de la Trinité et le cercueil de Sainte Rita se situe en Ombrie, où elle est née. Monseigneur Philippe réussira à négocier avec les promoteurs immobiliers avant de quitter les lieux en catimini. L’église a longtemps été promise à la démolition au profit de logements sociaux, le projet a été abandonné.
Sainte Rita, c’est la patronne des causes impossibles, et des animaux. Le Père POP reçoit volontiers les p’tits chats écorchés comme moi, à qui la vie sourit un jour, après les malheurs. Il part le soir en maraude dans le quartier, il soutient les prostituées et les SDF, qui se réfugient dans la chapelle pour prier, mettre un cierge, se reposer en silence. Sainte Rita a passé sa vie en Italie. Née en 1381 à Cascia, morte en 1457. Elle-même a connu le désespoir. Un mari violent et alcoolique, qu’elle épouse à 14 ans et à qui elle consacre son âme, sa dévotion et son pardon. Ensemble, ils ont deux fils belliqueux. Quand leur père meurt, dans une embuscade, ses fils sont mus par un violent désir de vengeance, quand leur mère Rita l’est par le pardon. Ils meurent tous les deux. À 40 ans, Rita se tourne vers ses premières amours, définitives, comme la deuxième chance que l’existence lui accorde : elle entre au monastère et se consacre aux âmes en peine, à ceux qui errent, devenant messagère de la paix.
La légende raconte que lorsqu’elle n’était encore qu’un bébé, ses parents l’amenaient aux champs avec eux. Ils la déposaient sous un arbre, dans son panier en osier. Un jour, un essaim d’abeilles entra dans sa bouche. Affolement. Les abeilles ne lui firent aucun mal et s’envolèrent ailleurs. Cet événement est fondateur : le signe de la protection divine.
Le père POP lui raconte tout cela. ELLE devient proche du chapelain de Sainte Rita, se rendant régulièrement en face du Moulin Rouge. Il accepte de me bénir. Chaque année, il réunit les artistes lors d’une messe et d’un après-midi-buffet dans la cour de la chapelle, le jour de la Sainte Cécile, muse des musiciens. J’en rencontrerai des artistes aux projets singuliers. Père POP et Sainte Rita ? mes plus grands bienfaiteurs et protecteurs…