C’est en discutant avec le véto qu’ELLE a eu le déclic. Quand il s’était agi de me prénommer et de m’identifier. ELLE avait dit Hermine, parce que j’étais toute blanche. Aussi parce que j’étais un emblème de sa région de coeur, emblème de pureté comme le lys. ELLE suivait son intuition et sa mythologie familiale, côté maternel, ignorant la portée bien plus large de son choix. L’hermine figurait sur le drapeau breton et le véto lui en avait raconté l’origine. Il savait tout, le bougre, d’origine arméno-bretonne comme moi. Comme ELLE. Seulement alors, en avait-ELLE eu le déclic.
Hermine représente un animal breton à la fourrure très prisée. Un animal élégant, léger, art déco. Autrefois braconné, devenu une espèce menacée. L’absence de mélanine, source de handicap, rend le pelage de cet animal, proche de la belette, blanc immaculé. Cette spécificité devient une protection face à l’ennemi, une fourrure de camouflage, l’hiver sur neige, ton sur ton.
Hermine, c’est un prénom de femme puissante et pionnière, indissociable d’Anne de Bretagne, proclamée reine à onze ans.
Hermine, c’était aussi le prénom de sa grand-mère bretonne, sa Mamée. Un prénom dérivé de Hermione. Hermione, on la croise chez Herry Potter bien sûr. Plus avant, on la rencontre dans la littérature d’Euripide. Celui-là même dont la Médée a inspiré l’écriture de son premier roman, Cet enfant que tu m’as volé, thriller sociétal dans lequel l’héroïne, qui se retrouve instigatrice et victime d’une passion fatale au terme de laquelle elle va avorter, s’érige en femme infanticide et tragédienne. Melpomène contemporaine, ont écrit les journalistes. Hermione inspire poètes, dramaturges et compositeurs.
Hermione, guide aussi les gens de mer. Frégate française : sa Mamée a vécu rue de l’Hermione. L’Hermione était aussi le nom d’un sous-marin français et peut-être est-ce cela qui faisait le trait d’union avec son père, et sa famille arménienne. Son père, qui avait été ingénieur dans les sous-marins, avait raconté, dans un livre historique, comment la Marine Française avait sauvé 1 500 Arméniens de l’effroyable génocide, le premier du XXe siècle. La flotte française avait bien des raisons de s’enorgueillir.
C’est quand même une drôle d’affaire, que le destin. Trois hommes, trois pachas qui ont dirigé l’Empire ottoman, et planifié l’extermination du peuple arménien au seul motif qu’il était arménien, et chrétien, ont été respectivement : l’un ministre de la Défense (de la Marine). Un ministère où son père fit carrière avant de se consacrer à son arménité. L’autre, Grand Vizir, fut ministre des PTT après avoir débuté sa carrière comme facteur (celui qui planifia tout). ELLE-même a fait carrière à La Poste, après avoir prêté serment, de manière solennelle, aux côtés des facteurs. Le troisième était fils d’un homme agent ferroviaire, et turc. Or le père de son père à ELLE, travaillait lui-même dans les chemins de fer, dans ce pays qui allait devenir islamisé et turquifié.
On dit bien que le destin est aveugle et sourd, pour se protéger. Sourd, comme moi, comme la race de chats à laquelle j’appartiens. La surdité, barrage contre la détresse de l’humanité. C’était sans compter sans notre animal-humanisation. ELLE et moi, ensemble, on allait lutter contre toutes les exclusions et inhumanités (toutes proportions gardées). L’expression artistique allait servir notre quête, une quête obstinée. Comme Voltaire, combattre les vicissitudes et autres coups du sort de l’existence, par le savoir, par l’art, au travers de personnages romanesques. Voltaire a choisi Zadig. ELLE m’a choisie (serait-ce l’inverse ?).
Hermine, c’est l’autre nom du furet arménien, p’tit mustélidé moins félin que domestique. Animal recherché pour son pelage solide et soyeux, élevé pour devenir animal de laboratoire. Comme moi, ses yeux deviennent rouges la nuit et y voient encore mieux qu’en pleine journée. Des yeux bioniques. Ça ne l’empêche pas de tomber dans le piège des expérimentations animales, hélas. Quoique carnivores, on n’est pas tellement prédateurs. Il nous arrive même d’avoir peur de l’araignée du soir. Nous sommes plutôt de joyeux compagnons, de malicieux fanfarons. Et je crois, plus que toute autre spécificité, que nous sommes d’extraordinaires messagers, qui relions le passé et l’avenir, l’Occident et l’Orient, mer et terre, père et mère, raison et passion, stoïciens et déterministes et les courants artistiques les plus divers. Suivez mes #chatventures et vous allez voir et entendre de quel bois on se chauffe, ELLE et moi, et à quel point tout vient à son heure….
À suivre…