Opération Commando, pour Retrouver Mimi

Que s’est-il donc passé en coulisses, celles de la vraie vie, pour que je décide de cette opération commando un soir après le boulot, pour retrouver Mimi, et que j’appelle ma copine Cécile ?

À l’époque, je n’y connaissais rien en chats. J’en avais eu peur autrefois (l’ignorance). Mais le véto me conseillait désormais, lui-même arméno-breton comme moi et comme Mimi, ce qui était un sacré coup du destin et au fond, Mimi et moi on s’était aimées et apprivoisées d’emblée, on s’était reconnues. Il y avait ce gros projet que je coordonnais pour La Poste, avec l’Élysée et le ministère de l’Éducation nationale, et qui me mobilisait beaucoup, jour et nuit. Ce fut mon argument, le jour où je passai une annonce pour donner Mimi. Un annonce que je rédigeai comme si je me séparais d’un ustensile que j’allais remplacer pour un autre, dans la logique consumériste à laquelle j’étais soumise. Le chat d’ailleurs, n’avait alors pas d’autre statut que celui d’objet. Peut-être bien que ce chat me gênait comme un fil à la patte. La vérité, c’est que je n’en pouvais plus de cette vie de salariée, cette carrière qui semblait se présenter et qui ne m’intéressait pas, ce milieu institutionnel, ces soirées, les lumières de Paris, les fringues, sortir, le périf’, les expos, les gens, les vernissages. Je m’époumonais. Mais cela, je ne l’ai compris qu’en donnant Mimi. Fallait-il en passer par cet extrême ?

C’est un grand type sec et nerveux qui est venu adopter Mimi. Je me souviens qu’elle dormait, p’tite boule si confiante, sur le canapé. Je l’ai réveillée brusquement et en quelques secondes, elle s’est retrouvée encagée, toutes ses affaires félines ramassées dans une caisse. Quand il est parti et que je me suis mise à comprendre que ma vie était en train de changer, j’ai ressenti un vidé abyssal et vertigineux. Mimi me manquait déjà, ça faisait comme une brûlure en moi. J’ai alors tout mis en oeuvre pour la récupérer, et appelé ma copine Cécile. Le grand type sec et nerveux habitait la commune d’à côté, tout près de chez moi. Il a appelé le soir et le lendemain pour me dire que Mimi était difficile, très en demande, qu’elle jouait nuit et jour, qu’elle parlait beaucoup, qu’elle le suivait partout, jusque sur le lavabo quand il se lavait les dents, qu’elle n’aimait pas les endroits où il lui déposait les croquettes.  

Avec ma copine Cécile, on s’est pointées chez lui, un soir après le boulot. C’est la compagne du grand type sec et nerveux qui nous a ouvert. Lui était absent, d’astreinte. Quand j’ai vu Mimi, frêle et noire de crasse, planquée sous une table dans cet appartement plutôt dégueu, j’ai su que je ne repartirais pas sans elle. La fille l’a su aussi, car elle a dit : Vous êtes venue la récupérer c’est ça ? Cécile et moi nous sommes assises sur le canapé et sommes demeurées muettes après avoir expliqué que Oui, on était là pour récupérer mimi, dussions-nous y passer la nuit. La fille était embarrassée et agacée. Après maints appels au grand type sec et nerveux, elle a finalement empoigné griffoirs, valisette, litière, croquettes et Mimi comme ça en vrac, avant de tout nous balancer sur le palier et de claquer la porte. Cécile et moi avons tout récupérer et on s’est carapatées.

Le lendemain, le véto constatait qu’elle avait beaucoup maigri et que toute la crasse, son pelage terni et puant de cigarette serait bientôt comme neuf, luisant à nouveau. Ensuite le grand type sec et nerveux m’a harcelée au téléphone, hurlant que j’étais une mauvaise personne, indigne, une menteuse, qu’il allait me régler mon compte. La plupart du temps, il était défoncé. Je suis allée déposer une main courante. Au commissariat, on m’a dit, après avoir scruté longtemps un écran, que j’avais bien fait.

Cette opération commando a été le déclencheur. J’ai commencé à écrire notre histoire à Mimi et à moi, et je me suis souvenue qu’enfant, j’étais pianiste et que j’écrivais, et tout cela est remonté à la surface, pendant que Mimi, p’tite chatte arméno-bretonne, mon exact prolongement, était en train de devenir ma muse. Elle était sourde (génétique) mais pas muette, comme si moi je m’étais réfugiée en surdité et dans le mutisme artistique, jusqu’à ce je la rencontre. Comme si elle m’expliquait tout, à présent, et qu’il n’y avait plus qu’à lui donner ma langue, à cette petite chatte. J’ai pris la décision de quitter mes fonctions, mon métier de Dircom’ à La Poste et de ne plus me consacrer qu’à l’artistique, et à Mimi. Pour elle, j’ai quitté Paris et sa région, pour un port de pêche, retrouver les origines, là où tout avait commencé pour nous, là où se trouve l’essentiel, la mer et le vent. Mimi m’avait ramenée à mes rêves d’enfant, quand, fascinée par Poly, le petit poney justicier à la crinière blonde, je voulais faire Cécile Aubry comme métier plus tard, quand je serais grande. Mimi m’avait fait devenir grande.

Nos chatventures sont devenues un spectacle pour lequel je me suis mise en scène, des chansons, des partitions et des CD by Séverine Dubois, Joanna Marteel et Isabelle Kévorkian, un podcast rediffusé depuis ce mercredi (11h30 et 14h30) sur une webradio, un e-Book. Les poésies sont traduites en arménien et en chinois et accompagnées de dessins. L’aventure ne cesse pas de se décliner, toutes formes d’expression artistique et moi, j’aime ma Mimi chaque jour davantage, depuis 10 ans. Un amour inspirant, extensible et exponentiel.

Merci de suivre nos Chatventures romanesques

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