Interlude : La légende d’akh tamar
L’Oiseau bleu messager
Pendant quatre jours et quatre nuits, HERMINE pleure.
Elle laisse sa fenêtre ouverte et ses lumières allumées.
Les légendes affirment que les petits chats bondissent de toit en toit,
pour retrouver leur maître,
capables de parcourir des kilomètres.
Surtout sa Mimi, de la race des chats nageurs et intrépides.
HERMINE
Dire que ma Mimi et moi, on s’est croisées à la Pointe-du-Van,
au-dessus de la Baie des Trépassés, en Bretagne.
Et que peut-être, elle vient du Lac de Van,
légendaire de l’Arménie Historique.
Du royaume d’Arménie.
Le Chat-de-Van est le symbole de la résistance arménienne à Van.
Pendant l’effroyable génocide.
Il est le symbole de l’identité nationale des Arméniens.
On ne pouvait pas ne pas se rencontrer, ma Mimi et moi.
Ah voilà, c’est cette légende que je cherchais :
La légende d’Akh Tamar.
HERMINE récite
Du hameau près du lac de Van,
Quand vient la nuit, chaque soir,
Un beau garçon furtivement,
Se glisse, vers les flots noirs.
Il va vers l’île de ses rêves,
L’intrépide sans bateau,
Sans fatigue aucune, sans trêve.
De ses bras il fend les eaux.
Une lueur ardente et claire
L’appelle, sur l’île sombre.
Et comme un phare, elle l’éclaire,
Pour que dans l’eau, il ne sombre.
La belle Tamar sait allumer,
Chaque soir, ce feu qui luit,
En attendant son bien-aimé,
Voilée des plis de la nuit.
La houle écumeuse palpite,
Le cœur du garçon aussi.
Les flots hurlent et se précipitent.
Il les combat sans merci.
Déjà tout petit, Tamar entend
Un familier clapotis.
Folle d’amour et cœur battant,
De tout son corps elle frémit.
Tout est silence
Seule une ombre
Là, sur le rivage sombre…
C’est lui… les amants sont unis…
Nuit secrète, douce nuit.
Seules les vagues du lac de Van,
Viennent frôler les rives,
Et chuchotant avec le vent,
S’évanouissent craintives.
Et les étoiles dans les cieux,
Médisent de l’impudeur
De Tamar, puis ferment les yeux,
Car le jour naît… il est l’heure.
Chaque fois que la nuit se meurt,
L’un s’en retourne à la mer,
Quand sur le bord, l’autre demeure,
Se confondant en prière.
L’ennemi est, pourtant, rageur.
Il a surpris leur secret.
Il a éteint le feu sauveur.
Un certain soir, sans regrets.
Dans l’onde nocturne et rebelle,
L’amoureux nageur s’égare.
Les vents rapportent, sur leurs ailes,
Une plainte :
Ahhhhh Tamar
Dans les noirs ténèbres, tout proche,
Où se décline la mer,
La voix se lève, elle s’accroche
Aux rocs aigues, puis se perd
Dans un râle de désespoir :
Ahhhhh Tamar !
À l’aube, la houle apaisée
Rejette à la grève un corps.
Sur ses lèvres, dans un baiser,
On aurait dit que la mort
Avait pétrifié deux mots :
Ahhhhh Tamar !
Depuis ce jour, en leur mémoire,
L’île s’appelle Akhtamar.
HERMINE, comme redevenue enfant, chante
Tes oreilles dressées
Tes yeux dilatés
Tes poils hérissés
Et ta queue dressée